jeudi, août 11, 2005

Tranche de vie (tour de France)

Retour de vacances et check de mail : un ami m'a envoyé ses impressions sur une excursion faites lors du tour de France.
A toi la parole Ray !

Récemment, ma copine voulait voir le départ d’une étape du tour de France... Pour ce faire, on a dû aller dans une ville dont je préfère taire le nom. Disons que c’est un peu la Sibérie près de chez soi : on se les gèle en hiver, et on crève de chaud en été. Une ville avec trois crottes de chien au mètre carré et des habitants tous moins souriants les uns que les autres... Bref, ceux qui connaissent sauront de quoi je parle.

Evidemment, le voyage est pavé de mauvais augures. Avant de prendre le train pour rejoindre les lieux du sinistre, on se tape un bug avec les billetteries automatiques. En faisant la queue au guichet, on se retrouve à deux doigts de manquer le train. Et une fois arrivés dans la ville de G..., on se farcit une chouette galère à cause des travaux pour la création d’une nouvelle ligne de tram. Finalement, on arrive à côté du boulevard où le départ de la course est donné. Reste à savoir si c’était vraiment une bonne chose d’arriver à destination !

Il est à peine plus de 9h30. La course est censée commencer à 11h40. Mais bien entendu, les abords du boulevard sont déjà noirs de monde.

Après une demi-heure passée dans ce purgatoire fait de promiscuité et d’annonces publicitaires sur fond de techno (15 euros pour le kit comprenant la casquette, le stylo, le T-shirt et je sais plus quoi... 15 euros pour le kit comprenant la casquette, le stylo, le T-shirt et d’autres trucs... 15 euros pour le kit etc...), le chien aboie et la caravane passe : on commence avec les chars officiels du tour de France. C’est-à-dire, des filles à gros seins emballées dans des T-shirts moulants jaunes. Outre la mise en avant de leur poitrine, leur boulot consiste à agiter la main en faisant un sourire on ne peut plus protocolaire. Rigolez pas ; pour faire ça non-stop sur 200 bornes tout en supportant la musique criarde qui les accompagne, elles doivent être deux fois plus dopées que les cyclistes !

La partie jaune de la caravane se conclut en beauté avec un modèle géant (est-on ici plus proche du carnaval ou du stalinisme ? A chacun de voir) du lion-mascotte du crédit lyonnais, fleuron de notre économie et digne support de la fierté du peuple français. Après quoi commence la période bleue... Rien à voir avec Picasso, c’est les gendarmes qui nous font une mini-parade, laquelle comporte inévitablement une voiture appelant à s’engager dans la gendarmerie. A ce point-là de l’événement sportif, je commence à avoir l’impression de nager en plein rêve. Des gendarmes ayant pour mission d’escorter les passeurs de schnouf qui se font appeler "médecins du Tour"... En effet, ça donne envie de s’engager.

Après les gendarmes, le défilé continue avec les marques. Commence alors un tunnel (ou plutôt un boulevard) de pub d’environ 20 minutes, les odeurs de gaz d’échappements en plus. Sur un des chars, des gusses croient bon de nous envoyer des bulles de savon dans les yeux. Un peu plus tard, un faux pompier s’amuse à arroser le public à coups de pseudo-lance à incendie. Mais grâce à la foule compacte qui me comprime de tous côtés, je ne reçois pas une seule goutte (la nature est bien faite quand même). Les pubs ambulantes se suivent et se ressemblent, dans leur recherche ultra-formatée de la distinction ; elles se poursuivent à l’intérieur d’une course au tape-à-l’oeil. Le criard est la règle. Chacun tente d’être au moins aussi bruyant que le précédent. Peu à peu, le son de l’accordéon se mêle à celui de la techno. Char après char, les musiciens s’entassent dans une grande fosse commune au fond de laquelle la musique se décompose grâce aux virtuoses de la pub.

Tandis que je suis au bord de la crise d’épilepsie, l’étau commercial se relâche enfin. Plus qu’une heure et quart d’attente avant le début de la course... Ma copine s’éloigne un moment pour aller voir les cyclistes qui s’échauffent. Elle revient toute heureuse en me montrant sur son appareil photo numérique l’image toute floue d’un petit bonhomme sapé en vert, assis sur un vélo. Voilà qui me motive pour continuer à patienter au milieu des badauds, à côté d’un gars accompagné d’un caniche qui s’agite dans tous les sens...

Le départ est donné. Une masse de cyclistes bariolés arrive vers nous. Et quinze secondes plus tard, plus rien. Notre devoir de spectateur accompli, on entame une bonne heure de marche en plein soleil (l’après-midi commence tout juste...) pour rejoindre la gare.

Soudain, en levant la tête (enfin une rue où on a pas besoin d’avoir les yeux rivés au sol pour pouvoir slalomer entre les crottes de chien), je vois sur la façade du palais des sports une grande affiche en trois parties : au milieu, la mention "les événements 2005". Sur le côté gauche, un grand buste de clown jouant de la trompette, avec à l’arrière plan une piste de cirque. Sur le côté droit, le logo de la star academy accompagné d’un buste de Jean-Pierre Foucaud, plus majestueux que jamais. Là, brutalement, je comprends : depuis le début de la journée, je n’ai pas rencontré une seule manifestation de mauvais goût. Tout est cohérent. L’harmonie est parfaite.
C’est moi qui suis à côté de la plaque.